Si depuis le début des années 1980, la publication d'albums
Live de
Jimi Hendrix s'était poursuivie à un rythme régulier, il semblait que la messe était définitivement dite avec la parution de
Nine To The Universe en 1980 pour ce qui concernait les enregistrements studio du guitariste. D'autant que ce recueil de jams instrumentales succédait aux deux albums les plus controversés de toute la discographie Hendrixienne, à savoir
Crash Landing et
Midnight Lightning.
C'est donc à la surprise générale qu'Alan Douglas publia Jimi Hendrix :Blues le 26 avril 1994. D'autant que l'album fut particulièrement bien accueilli, tant par la critique que par les amateurs.
Les titres
- Hear My Train A Comin' (acoustic)
- Born Under A Bad Sign
- Red House
- Catfish Blues
- Voodoo Chile Blues
- Mannish Boy
- Once I Had A Woman
- Bleeding Heart
- Jelly 292
- Electric Church Red House
- Hear My Train A Comin' (electric)
Un album impensable par le passé
Alan Douglas et Bruce Gary (les producteurs du CD) profitèrent en fait de la conjonction de deux avancées technologiques :
- d'une part les techniques de mixage modernes avaient suffisamment progressé pour pouvoir combiner différentes prises d'un même titre sans avoir besoin d'apport de musiciens extérieurs (la magie du numérique...) ;
- d'autre part la disparition du vinyle au profit du CD permettait une remise à plat du catalogue en introduisant la notion de semi-inédit.
Il faut aussi reconnaître à Alan Douglas l'intelligence d'avoir proposé un recueil dont le fil rouge, le Blues, permet une réelle continuité musicale alors que les enregistrements proposés s'étalent de 1966 à 1970 d'une part et que le personnel varie d'un titre à l'autre d'autre part.
C'est le seul projet discographique d'Alan Douglas ressorti tel quel par Experience Hendrix LLC (excepté pour les notes de pochettes).
Le contenu
Hear My Train A Comin' (acoustic)
L'album s'ouvre en terrain connu pour les amateurs avertis du guitariste :
Hear My Train A Comin' (acoustic) était déjà présent sur la bande originale du film
Jimi Hendrix publiée en 1973. On y voit Jimi Hendrix interpréter ce blues en solo le 19 décembre 1967 sur une
Guitare acoustique 12 cordes accordée en Do. D'un point de vue discographique, intégrer ce titre sur un recueil de blues est parfaitement cohérent. D'autant que la version acoustique de cet incontournable des performances
Live de Hendrix est très forte. L'influence de
John Lee Hooker est perceptible lors du solo central où Hendrix double les notes de sa guitare de sa voix, mais son interprétation n'a rien de scolaire. Le fait que Jimi Hendrix soit reconnu comme un grand bluesman tenait beaucoup à coeur à Alan Douglas : avec ce seul titre, le pari était déjà gagné.
Born Under A Bad Sign
La reprise du
Born Under A Bad Sign d'
Albert King (repris par
Cream sur
Wheels of Fire) était alors inédite. Enregistrée le 15 décembre 1969 par le Band Of Gypsys, la version publiée ici est légèrement éditée : outre les premières et dernières secondes du titre, il y a un cut après le point d'orgue du solo, à 5:10.
Red House
La version qui suit de
Red House est connue de tous les amateurs du guitariste de ce coté de l'Atlantique : c'est la prise enregistrée le 13 décembre 1966 par le Jimi Hendrix Experience, retenue sur la version UK de
Are You Experienced.
Jimi Hendrix :Blues était donc sans doute plus destiné au marché américain, où cette version était inédite. En effet, absente de la version US du premier album de l'Experience, c'est une autre prise de
Red House qui était proposée sur la version US de
Smash Hits en juillet 1969. Moins puriste, et moins forte.
Catfish Blues
Enregistré le 10 novembre 1967 par le Jimi Hendrix Experience aux Pays-Bas,
Catfish Blues était alors quasi inédit : certes présent sur le
Calling Long Distance compilé par Caesar Glebbeek (crédité ici en tant que consultant), ce CD était réservé aux seuls abonnés de la revue UniVibes. Légèrement inférieure à la version publiée quelques années plus tôt sur
Radio One, cette reprise de
Muddy Waters n'en reste pas moins un grand moment, prélude idéal au titre suivant, qui est son extrapolation Hendrixienne...
Voodoo Chile Blues
À savoir le
Voodoo Chile Blues, enregistré au Record Plant le 2 mai 1968 avec
Steve Winwood,
Jack Casady et
Mitch Mitchell. Les notes de pochette de Michael J. Fairchild (sur l'édition d'Alan Douglas) ont le mérite de ne pas tromper l'auditeur, car elles parlent de
prises. Toute la subtilité du pluriel... On ne rentrera pas dans le détail complexe du montage (combinant plusieurs prises) opéré par Alan Douglas et Bruce Gary. Hendrix est-il trahi par ce type de procédés ? La question mérite d'être posée. Mais la réponse est forcément plurielle.
Crash Landing avait suscité une immense controverse à sa sortie. Mais Hendrix n'a jamais été contre le principe de montage en studio, bien en contraire (overdubs multiples, effets de studio, guitares à l'envers, etc.) D'un coté, on peut estimer que
Voodoo Chile Blues est un pas supplémentaire dans ce genre de procédés (comme Teo Macero le faisait avec brio pour
Miles Davis à l'époque... mais avec l'accord de Miles). Inversement, on peut rétorquer que créer un titre de toutes pièces à des fins commerciales est une atteinte au
Droit moral de l'artiste. En l'espèce, avant d'entendre un pirate présentant l'intégralité des différentes prise de
Voodoo Chile , il est presque impossible de se rendre compte du montage. De sessions intéressantes, mais non commercialisables en l'état, Alan Douglas a tiré une chimère musicale brillante, avec de fantastiques parties de guitare de Hendrix. N'est-ce pas le rôle d'un producteur ?
Mannish Boy
Enregistré le 22 avril 1969, c'est Billy Cox et Buddy Miles qui officient aux cotés de Jimi Hendrix sur
Mannish Boy, alors que l'Experience n'était pas encore séparée... et le Band Of Gypsys encore dans les limbes. Ce remake up tempo du classique de
Muddy Waters, largement influencé par le
I’m A Man du Spencer Davis Group est en fait un hybride créé par Alan Douglas à partir de différentes prises. Il en a réuni les meilleurs éléments et fabriqué un titre complet, commercialisable (avec en prime un solo). Et il faut reconnaitre que le travail de montage-édition est réussi : à l'écoute, on ne se rend compte de rien. Dans le principe, le procédé est similaire à celui de
Crash Landing. Mais les progrès techniques permettent toutefois de ne pas effacer les musiciens originaux : et la nuance est de taille.
Once I Had A Woman
Suit
Once I Had A Woman, publié en 1975 sur
Midnight Lightning, mais dans une version littéralement massacrée par Alan Douglas. Alan Douglas présente cette fois-ci le titre (presque) tel qu'il a été enregistré par le Band Of Gypsys dans sa fameuse séance du 23 janvier 1970 avec un harmoniciste inconnu. C'est un aveu d'échec de Douglas. Mais il est tout à son honneur car
Once I Had A Woman est un autre grand moment, qui se divise en deux parties. La première est un blues très lent (improvisé ?). La seconde est constituée d'un solo mémorable. Les pirates présentent des versions plus longues de cette prise, avec l'intégralité de la performance de l'harmoniciste... ce qui n'est pas forcément un plus.
Bleeding Heart
Immortalisée au Royal Albert Hall quelques semaines plus tôt, la reprise du
Bleeding Heart d'
Elmore James enregistrée au Record Plant par Billy Cox et Buddy Miles le 21 mai 1969 est ici jouée sur un tempo nettement plus rapide. Moins forte que la version de l'Experience, cette prise, éditée selon le site officiel, n'en demeure pas moins très intéressante : elle montre Hendrix dans un registre blues où il excelle.
Jelly 292
Le
Jelly 292 qui suit est en fait une autre prise de la
Jam 292 publiée en 1973 sur
Loose Ends. Enregistré au Record Plant le 14 mai 1969, avec Billy Cox, Mitch Mitchell et Sharon Layne au piano, c'est une jam structurée, présentant des figures rythmiques bien travaillées pour chaque cycle. Mais ce sont surtout les soli de Hendrix qui retiendront toute notre attention : ils sont assez brefs, mais intenses et toujours inspirés.
Electric Church Red House
Déjà publié sur
Variations On A Theme: Red House quelques années plus tôt (dans une version plus longue), l'intérêt de
Electric Church Red House était alors faible. Même si le concept d'album blues pouvait justifier sa présence. Mais dans ce cas, pourquoi garder le montage inutile de deux titres qui n'ont rien à voir ?
Hear My Train A Comin' (electric)
Le titre suivant est un grand classique (mais connu, exceptée l'introduction parlée) :
Hear My Train A Comin' (electric) est en effet la version Live jouée à Berkeley le 30 mai 1970 par le trio Hendrix/Cox/Mitchell.
Notes